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tures fui procuraient d’exquises jouissances. Elle avait commencé par le Nathan et l’Émilie Galotti, de Lessing, dont elle avait déjà entendu parler ; puis elle aborda Le Tasse, de Gœthe. Ce dernier ouvrage lui révéla la grandeur du génie allemand. Elle en fut profondément impressionnée. N’était-ce pas aussi d’elle, de son pauvre cœur tourmenté qu’il s’agissait dans ce drame ? Et elle s’en allait, sous les ombrages de Beau-Port, redisant les vers harmonieux du maître, avec la vague certitude qu’on les avait écrits à son intention.

On eût dit que le poète avait voulu peindre leur villa, dans le passage suivant :

« Déjà le murmure de ces fontaines revient nous récréer ; les jeunes rameaux se balancent, bercés par le souffle matinal ; les fleurs des parterres nous regardent amicalement de leurs yeux enfantins. Le jardinier consolé dépouille de leur vêtement d’hiver l’oranger et le citronnier ; le ciel bleu dort au-dessus de nos têtes, et, vers l’horizon, la neige des montagnes lointaines se dissout en légères vapeurs[1]. ».

Elle-même écrivit, dans son journal, ces paroles de la princesse :

« Pourquoi faut-il que nous négligions si facilement de suivre les simples et muettes inspirations de notre cœur ? Un dieu est dans notre âme, qui nous avertit tout bas, qui nous indique doucement, mais avec clarté, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut fuir[1]. »

Elle se laissa emporter par le charme de cette

  1. a et b Traduction d’Albert Stapfer, chez Charpentier, Paris.