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ce qu’il écrira désormais portera le sceau du génie. Ohnet, mais c’est aussi un nom, maintenant. On joue ses drames sur tous les théâtres. De ce fait, nos objections en sont considérablement affaiblies. Et, d’ailleurs, pourquoi irions-nous, seul, condamner l’œuvre qui paraît supportable à tout le monde, que des personnes de notre connaissance, personnes honorables entre toutes et intelligentes, approuvent et admirent ? Qu’à cela ne tienne, soit ! Mais je n’en persiste pas moins dans mon idée : Le Maître de Forges est une pièce brutale, sans valeur aucune. Je vous céderai sur un point, et un seul : jamais les Français n’auraient admis ce drame sur leur théâtre, s’il avait été composé à l’étranger. Ils ont infiniment trop d’esprit et de bon sens pour cela. Il faut être Allemand pour le faire.

Heureusement, reprit le docteur, après un instant de silence, il y a encore en France assez d’écrivains qui cultivent l’idéal, le drame simplement poétique. Cet hiver, par exemple, on a donné à Paris quelques représentations que tous les meilleurs crifiques ont déclarées parfaites, supérieures. Et qu’avaient fait les auteurs ? S’emparant de fables antiques, ils ont mis leur talent à écrire de beaux vers, d’un lyrisme élevé, dans lesquels reparaissent, sans que cela ait blessé personne, des réminiscences mythologiques et l’une ou l’autre idée chère aux philosophes païens.

En Allemagne, au contraire, on méprise les chefs-d’œuvre de l’art dramatique. Le poète est puni par l’indifférence du public, s’il ose remonter jusqu’aux jours héroïques de la Grèce. Symptôme très curieux ! Sur les théâtres de Berlin, entre autres, à l’anniver-