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vanité ou par vengeance, qui trompe son mari dès le premier pas, puisqu’elle ne l’aime point ? Je ne dirai rien, et pour cause, de cette scène d’un goût fort douteux, du soir des noces. Il faut qu’un public soit bien vulgaire, ou bien grossier, pour trouver quelque charme à cette sensualité, ou à ce sentimentalisme qui, sous prétexte d’art dramatique, lui est offert dans Le Maître de Forges. Enfin, pour conclure par les paroles même d’un jeune critique français, j’ajouterai : C’est de la triple essence de banalité.

— Ah ! permettez, je dois relever une de vos observations, M. le docteur ! Vous qualifiez de vulgaire, voire de grossier, le public de Berne qui sera, ce soir, très nombreux au théâtre. Sachez que vous parlez de gens qui ont droit à votre estime, répondit presque avec colère la jeune patricienne. Car, si j’étais à Berne, j’irais certainement. Je n’ai lu que le roman d’Ohnet, je ne connais pas la pièce qu’il en a tirée ; mais je crois que si j’assistais à cette représentation, je n’éprouverais rien de ce que vous exprimez. Je suis donc aussi très vulgaire, même…

— J’ai peut-être été trop loin, dit Jean, en interrompant Dougaldine et en l’invitant du regard à rester, car elle se levait pour partir. Il désirait, lui, que cette conversation ne se terminât pas sur ces derniers mots. J’aurais dû modifier ma pensée ainsi : Les spectateurs sont pour la plupart incapables de juger une pièce quelconque. On ne réfléchit jamais assez à ce que l’on nous présente avec une certaine autorité. Le meilleur auteur peut faire passer des niaiseries sur une très grande scène. Son nom est un talisman. Il a composé un chef-d’œuvre : donc, tout