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cependant plusieurs, quelques romanciers contemporains surtout, ont comme la saveur du péché.

Dougaldine rougit. Une boudée de colère lui monta aux lèvres, colora son visage. Vraiment ce jeune homme tranchait du pédant, du moraliste avec elle ! Il avait déjà la prétention de lui désigner les livres qu’elle ne devait pas lire.

— Voyez, dit-elle, en montrant de la main son frère qui semblait chercher quelque chose autour d’un bosquet, je crois qu’Amédée a fait une découverte… découverte qui a sans doute la même importance que celle que vous venez de faire dans ce volume.

Elle prononça ces mots d’une voix brève, en les accompagnant d’un geste quasi royal. Jean comprit qu’elle le congédiait et qu’elle n’avait plus du tout envie de continuer cet entretien. Il s’inclina donc devant elle et disparut bientôt après dans la villa avec son élève.

Cette divergence de vues et d’opinions s’affirmait à propos de tout. Ils reprenaient souvent le même sujet de discussion. L’un et l’autre auraient voulu se faire réciproquement le sacrifice de leurs idées, mais ce sacrifice était au-dessus de leurs forces. Jean, par conviction, Dougaldine, par fierté, suivaient deux sentiers qui couraient parallèlement sans jamais se rencontrer.

Un matin, la Feuille d’avis de Berne, que M. Fininger envoyait tous les matins à sa fille, apporta la nouvelle qu’une troupe française, en tournée de province, allait jouer au théâtre de la ville Le Maître de Forges, de Georges Ohnet.

On déjeunait, sous le tilleul. Après avoir jeté un