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— Cela, en effet, ne doit pas être agréable à un Allemand d’au delà du Rhin. Mais, nous, en Suisse, où les langues française et allemande vivent côte à côte, il faut laisser à chacun ses goûts et ses auteurs favoris.

— Vous avez dix fois raison, mademoiselle, dit le jeune savant. Je vois même avec infiniment de plaisir qu’on cultive ces deux littératures. Toutefois, ce que vous me permettrez sans doute de ne pas complètement approuver, c’est que l’on ne veuille entendre parler, dans un certain monde, que d’éducation française, comme l’on n’accepte, sans réflexion, que la religion de ses ancêtres. Je crois pourtant que l’on juge mieux des qualités ou des défauts d’une langue, si l’on en connaît et en parle une autre. Est-ce bien naturel, votre prédilection si hautement affirmée ? Que si une famille d’origine gauloise se contente du français, je n’ai rien à objecter ; c’est un peu dans le tempérament de la race et l’esprit de sa langue, si claire et si élégante ; mais nous, enfin, qui avons du sang germain dans les veines, il me semble que nous ne devons pas négliger nos propres auteurs pour nous vouer exclusivement à l’étude d’une littérature étrangère.

— Tous ne le font pas, s’écria Dougaldine, vous, par exemple, M. le docteur. Pour moi, j’aime le français, à cause de sa pureté, de sa netteté, de sa limpidité. Pouvez-vous en vouloir à une jeune fille de cette préférence ?

En parlant ainsi de pureté et de netteté, Dougaldine, quelque peu animée, était si belle, si vraie et si charmante que pour Jean elle personnifiait, à vrai dire, les idées contenues dans ces qualités de la