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la patricienne

La patricienne, ne pouvant plus éviter l’entretien, lui tendit le volume.

— Tenez, et voyez vous-même. Si le format est petit, le texte, pour la grosseur et la beauté, ne laisse rien à désirer.

C’était un volume des Comédies et Proverbes d’Alfred de Musset, en beaux caractères, tels qu’on sait les imprimer en France.

Le précepteur était battu. Cependant, il répliqua :

— L’impression des livres français est parfois merveilleuse. Pourquoi ne peut-on pas en dire autant de leur contenu ?

— Ah ! riposta Dougaldine, d’un ton sarcastique, le grand poète Alfred de Musset ne plaît pas au docteur Almeneur ! Il n’est donc pas assez bon pour vous ?

Jean répondit, sans toutefois attacher d’autre importance à ses paroles :

— Comme tel, c’est peut-être le meilleur des poètes français. Mais, ne vous semble-t-il pas aussi qu’on les estime extraordinairement chez nous ?

— Si c’est là votre opinion, vous ne devez pas aimer beaucoup Victor Hugo, fit la jeune fille, frappée de l’observation.

— Il n’est pas question de mes préférences, surtout lorsqu’il s’agit de talents de premier ordre, de poètes qui manient leur langue en maîtres. Ils sont assurés du respect et de l’admiration de tous. Mais, et j’ose le dire ici, je ne comprends pas cet enthousiasme exclusif pour les écrivains français. Nous avons aussi des poètes allemands. Ils n’ont peut-être pas le génie des premiers ; néanmoins, ils sont dignes d’être lus et mieux connus !