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dans les arbres des bosquets ; derrière une grille, un paon faisait la roue en étalant ses brillantes couleurs. Bruno, couché au soleil du matin, occupait toute une marche de l’escalier, et, pour compléter cette idylle champêtre, un chat, d’une beauté et d’une grosseur extraordinaires, regardait sa maîtresse, Dougaldine, qui, en peignoir de mousseline blanche, était assise à la table, ayant plutôt l’air d’une épousée de la veille que d’une jeune fille. Quand le docteur arriva dans le jardin, elle était seule. Mlle Marthe et Amédée avaient déjà déjeuné. Ils couraient aux alentours du domaine, comme pour en reprendre de nouveau possession et renouveler connaissance avec les endroits qui leur étaient le plus familiers.

— Cela me réjouit, fit Dougaldine, dès que Jean l’eut saluée, de voir que vous avez bien et longtemps dormi sous notre toit.

Le fin sourire qui, à ces mots, effleura ses lèvres joliment retroussées, prêtait à sa physionomie un charme tout féminin. Franchement, ce matin-là, elle n’avait rien contre Jean. Ses yeux reflétaient l’allégresse du printemps qui étincelait autour d’eux.

Le docteur, debout en face d’elle, eut comme l’impression fugitive que le monde sortait seulement des mains de Dieu et qu’ils étaient les deux premiers êtres de la création, respirant la vie et les brises paradisiaques. La fleur peut être flétrie par la brûlante chaleur de midi, et le soir tomber en poussière, feuille après feuille, qu’importe ! Le matin, sa corolle, en s’épanouissant, a bu la divine goutte de rosée et elle a vécu et répandu son délicieux parfum. Quoi que lui réservât l’avenir, Jean Almeneur se