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ESCALADES DANS LES ALPES.

comme un déserteur, quand c’était moi qui marchais à l’attaque.

Je continuai donc mon chemin, et bientôt, la nuit devenant trop obscure, je campai dans une charmante petite grotte de terre, où j’avais un rocher pour m’abriter contre le vent, un ruisseau d’un côté et de l’autre quelques branches de pin brisées à portée de ma main. Un rocher, une grotte, du bois et de l’eau, c’était l’idéal du confort. Après avoir allumé un feu bien petillant, je me glissai dans ma couverture-sac (une couverture ordinaire cousue à l’extrémité inférieure, doublée autour des

La couverture-sac.


jambes et garnie d’un ruban élastique à l’ouverture) et je m’endormis, mais ce ne fut pas pour longtemps. Mon sommeil fut troublé par des rêves de l’Inquisition : on m’appliquait la torture ; des prêtres remplissaient de puces mes yeux et mes narines, m’enlevaient des lambeaux de chair avec des pinces rougies au feu, me coupaient les oreilles et me chatouillaient la plante des pieds. C’en était trop. Je poussai un affreux hurlement et je me réveillai couvert de petites bêtes qui grimpaient sur tous mes membres. J’avais campé à côté d’une fourmilière. Après avoir exaspéré les fourmis par le feu que j’avais allumé, je m’étais tranquillement installé au milieu d’elles.