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CHAPITRE XVII.

on peut s’arrêter seul plus facilement, pourvu que la couche de neige qui recouvre la glace offre une épaisseur et une solidité suffisantes. Si la neige manque de consistance, comme cela arrive généralement sur les pentes inclinées d’environ 50°, la glissade la plus légère entraînera très-probablement toute une expédition le plus bas possible, et, outre la chance qu’il courra de se rompre le cou, chacun de ses membres sera exposé à périr étouffé sous la neige. De semblables accidents sont fort rares, mais on doit rappeler qu’ils sont possibles, afin que l’absence apparente de danger ne fasse négliger aucune précaution nécessaire.

Pour moi, ni la corde employée de la manière ordinaire, ni les crampons, n’offrent une sécurité réelle sur les pentes de glace. M. Kennedy a eu la bonté de me donner une paire de crampons que représente le dessin ci-joint. Je n’en connais certes pas de meilleurs ; mais, quand je les mets, je ne me sens bien solide sur mes pieds que dans les endroits où il y a impossibilité absolue de glisser ; pour rien au monde je ne me risquerais à les employer sur une pente de glace. Tous ces moyens artificiels sont complétement inutiles si l’on n’a pas un degré bien taillé dans la glace pour y poser le pied. Dans ce cas, de bons clous à la chaussure suffisent.

Almer et Biener nous avaient fait dérouler toute la corde ; leur sécurité n’étant plus garantie, ils s’arrêtèrent pendant que nous descendions en la roulant. Ils rencontrèrent bientôt une coulée de neige située juste au-dessus du pont qu’ils cherchaient. La pente devenait de plus en plus raide ; nous dûmes descendre environ dix mètres, la figure tournée contre le mur de neige, dans lequel nous creusions des marches avec nos pieds, en nous cramponnant avec nos mains dans les trous que nos pieds venaient de quitter, comme s’ils eussent été les barreaux d’une échelle. Nous traversâmes ainsi la crevasse la plus élevée ; inu-