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ESCALADES DANS LES ALPES.

rochers. Leur avis prévalut. Déjà nous avions traversé la moitié de la neige en nous dirigeant vers l’arête, quand la croûte supérieure, glissa d’une seule masse en nous entraînant. « Halte ! » nous écriâmes-nous en chœur. Et nos haches de travailler pour tâcher d’arrêter cette descente fort involontaire. Mais elles glissaient sans l’entamer sur la couche de glace que la neige laissait à découvert. « Halte ! » exclama Croz en lançant de nouveau sa hache avec une énergie surhumaine. Impossible de nous arrêter ; nous glissâmes d’abord doucement, puis le mouvement s’accéléra ; d’énormes vagues de neige s’accumulaient devant nous, et tout autour des masses de débris descendaient avec un sifflement sinistre. Par bonheur, la pente s’adoucit sur un point ; les guides qui tenaient la tête, sautèrent adroitement de côté, hors de la neige mouvante. Nous, les suivîmes le plus vite possible. La jeune avalanche, que nous avions si bien lancée, continuant sa course, alla tomber dans une crevasse béante, qui nous eût servi de tombeau si nous étions restés en sa compagnie cinq secondes de plus ; le tout ne dura pas une demi-minute.

Cette longue journée ne fut troublée que par cet incident, nous rentrâmes, à la nuit tombante, dans l’excellente auberge tenue par l’aimable et honnête Bertolini, fort satisfaits de n’avoir pas eu d’autres aventures de ce genre à raconter au retour.