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CHAPITRE XIV.

considérable du crétinisme dans le centre de la vallée d’Aoste n’est pas le résultat de circonstances purement accidentelles.

L’usage habituel de l’eau provenant de la fonte des neiges ou des glaces a été d’abord regardé comme la cause première du crétinisme. Mais, de Saussure l’a démontré, cette maladie est absolument inconnue dans des vallées où les habitants ne boivent que de l’eau des glaciers, tandis qu’elle est très-commune dans d’autres contrées où, l’eau consommée par la population provient de sources parfaitement pures. En outre le fléau est inconnu dans les vallées supérieures, tandis qu’il ravage les vallées inférieures[1]. Cette opinion avait sans doute pour base la confusion que l’on avait faite des crétins avec les simples goîtreux, ou, tout au moins, la supposition que le goître était une des phases primitives du crétinisme.

Le goître — c’est un fait constaté aujourd’hui — est causé par l’usage de l’eau chimiquement impure et surtout dure ; une observation attentive a même fait découvrir qu’il a une connexion intime avec certaines formations géologiques[2].

En effet, on voit rarement des enfants naître avec un goître ; mais le goître se développe à mesure que l’enfant grandit ; d’autres fois, les goîtres paraissent et disparaissent à la suite d’un simple changement de résidence ; il est donc possible de produire volontairement cette triste infirmité[3].

Les causes qui produisent le goître sont-elles les mêmes que celles qui déterminent ou maintiennent le crétinisme, on n’en est pas aussi certain. Les crétins sont généralement goîtreux, il est vrai, mais, d’un autre côté, on voit des milliers de goîtreux qui n’offrent aucune apparence de crétinisme. Il y a certaines contrées dans les Alpes, et même en Angleterre, ou le goître est fréquent, mais où le crétinisme est inconnu.

  1. Voyages dans les Alpes, § 1033.
  2. Un mémoire du docteur Moffat, lu, en 1870, à l’Association britannique de Liverpool, constate que le goître est fréquent dans un district carbonifère et inconnu dans une région sablonneuse.
  3. Le goitre est endémique à Briançon et attaque, à de certaines époques, les soldats casernés dans les forts. Voir Goître et Crétinisme endémique, par le docteur Chabrand. Paris, 1864.