Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/339

Cette page a été validée par deux contributeurs.
331
CHAPITRE XIV.

atteint l’apogée de son développement dans la vallée d’Aoste ; les gens du pays y sont tellement habitués qu’ils sont presque indignés quand le voyageur surpris se permet de remarquer combien il est fréquent. Cette maladie, vous rappellent-ils constamment, n’est pas particulière à leur vallée et il y a des crétins dans bien d’autres localités. Il n’est que trop vrai que ce terrible fléau est répandu dans toutes les Alpes et même dans le monde entier ; et que, dans certains pays, le nombre des crétins est, ou a été, relativement à la population, plus grand encore que dans la vallée d’Aoste : mais, si, pour moi, je n’ai jamais vu ni entendu vanter une vallée plus charmante et plus fertile, et qui laissât (à part le crétinisme) une plus agréable impression aux étrangers, je n’ai rencontré nulle part un plus grand nombre de ces malheureuses créatures réduites à une condition que mépriserait tout singe un peu respectable.

L’étude de ce triste sujet est environnée de difficultés. Le nombre des crétins est inconnu, la guérison de cette maladie paraît fort douteuse, son origine reste mystérieuse ; aussi ce problème embarrasse-t-il les observateurs les plus habiles.

Il est à peu près certain cependant que le centre de la vallée est aussi le centre du fléau. La ville d’Aoste elle-même peut être considérée comme son quartier général. C’est là, et dans les localités voisines, telles que Gignod, Villeneuve, Saint-Vincent et Verrex, et dans les villages situés sur la grande route qui les relie l’une à l’autre, que l’on rencontre le plus grand nombre de ces êtres difformes, privés d’intelligence et plus semblables à la brute qu’à l’homme, dont l’aspect hideux et répugnant, les gestes indécents, et le baragouin insensé, excitent le dégoût de tous ceux qui ont le malheur de les voir.

Le dessin de la page 326 n’est nullement une caricature ; quelques-unes de ces pauvres créatures sont tellement horribles que l’on n’oserait pas les dessiner.

    bien qu’il diffère de celui-ci en ce que la difformité corporelle se joint à la perte des facultés de l’intelligence. Il se compose ainsi de deux éléments parfaitement distinct : l’idiotisme, d’un côté ; de l’autre, la difformité physique. Blackie, du Crétinisme, p. 6.