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Vous, ruisselets et rosées de la sueur, ce sera vous !
Vents dont le sexe mollement chatouilleur me frôle, ce sera vous !
Amples champs musculeux, rameaux de chênevif, tendre nonchalant dans mes sentiers sinueux, ce sera vous !
Mains que j’ai prises, visage que j’ai baisé, mortel que j’ai une fois touché, ce sera vous.

Je raffole de moi-même, il est tant de choses en moi et tout si délicieux,
Chaque moment et tout ce qui arrive me fait tressaillir de joie,
Je ne puis dire comment mes chevilles fléchissent, ni d’où provient mon plus faible désir,
Ni la cause de l’amitié que j’exhale, ni la cause de l’amitié que j’accepte en retour.

Que je monte mon perron, je m’arrête pour me demander si cela peut être vrai,
Un volubilis à ma fenêtre me satisfait plus que la métaphy­sique des livres.

Contempler le lever du jour !
La petite lueur fait s’évanouir les ombres immenses et dia­phanes,
Le goût de l’air est bon à mon palais.

Poussées du monde en marche, ébats ingénus, lever en silence, fraîcheur exhalée,
Effleurements obliques en haut et en bas.

Quelque chose que je ne puis voir dresse en l’air d’impudi­ques pointes,