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Les larges portes de la grange rustique s’ouvrent toutes prêtes,
L’herbe fanée de la récolte s’entasse sur la charrette qui va lentement,
La claire lumière joue sur les gris et les verts roussis aux nuances confondues,
Les brassées s’empilent sur le tas qui s’affaisse.

Je suis là, j’aide les gens, je suis revenu couché au faîte de la charretée,
J’ai senti ses cahots mous, une jambe allongée sur l’autre,
Je saute des traverses et saisis le trèfle et la fléole,
Et roule en faisant la culbute, les cheveux emmêlés de fétus.


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Au loin dans la solitude et les montagnes je chasse seul,
À l’aventure, émerveillé de ma légèreté et mon allégresse,
Lorsque le soir s’annonce je choisis un endroit sûr pour y passer la nuit,
Allume du feu et fais griller le gibier frais tué,
Et m’endors sur un tas de feuilles, mon chien et mon fusil à mes côtés.

Le clipper yankee porte ses cacatois volants, il fend écume et mousse,
Mes yeux reconnaissent la terre, je me penche à la proue ou crie joyeusement du haut du pont.

Levés de bon matin les bateliers et pêcheurs de mollusques sont venus me prendre,