Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant, depuis qu’il avait eu des raisons pour l’observer de plus près, le silence de Zeena avait commencé à l’inquiéter. Il s’était rappelé la taciturnité croissante de sa mère et il se demandait parfois si sa femme n’allait pas devenir « bizarre » à son tour.

Zeena, qui possédait sur le bout des doigts la carte pathologique de toute la région, avait souvent fait allusion, pendant la maladie de Mrs. Frome, à d’autres cas similaires. Ethan, d’ailleurs, n’ignorait pas que dans plus d’une ferme isolée du voisinage on cachait de pauvres êtres qui dépérissaient de la même façon, et que dans d’autres la présence de ces malheureux avait été l’occasion de lamentables tragédies. Parfois, en regardant le visage morne de sa femme, il frissonnait, craignant pareil malheur ; parfois la taciturnité de Zeena lui semblait plutôt une attitude volontaire, dissimulant des intentions sournoises, de mystérieux desseins issus de soupçons et de rancunes impénétrables. Cette dernière supposition était la plus troublante ; c’était aussi celle qui s’était présentée à son esprit, la nuit précédente, lorsqu’il avait vu Zeena debout sur le seuil de la cuisine…

Néanmoins, le départ pour Bettsbridge l’avait une fois de plus rassuré, et toutes ses pensées se concen-