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doute été plus « pimpante », mieux tenue, aux jours de son enfance, quand sa mère s’en occupait ; mais lui-même s’étonnait de l’air confortable que le simple fait de l’absence de Zeena lui avait donné. Il se représentait l’aspect de la pièce, ce soir, lorsque Mattie et lui s’y trouveraient réunis après le souper… Pour la première fois, seuls et toutes portes closes, ils s’installeraient de chaque côté du poêle, comme un vieux ménage. Ethan aurait la pipe à la bouche, les pieds en chaussettes tournés vers le feu ; et Mattie bavarderait de ce babil coupé de petits rires, si doux aux oreilles du jeune homme qu’il croyait toujours l’entendre pour la première fois.

Le charme qu’il éprouvait à évoquer ce tableau, et le soulagement de n’avoir plus à redouter une histoire avec Zeena, l’emplirent d’une gaieté débordante. Lui, si taciturne de nature, il sifflait et chantait à voix haute en conduisant son attelage à travers champs. Malgré les âpres hivers de Starkfield, un instinct de sociabilité sommeillait encore en lui. Grave et renfermé par tempérament, il admirait la témérité et la faconde chez les autres, et se sentait réchauffé jusqu’aux moelles lorsqu’il rencontrait de la sympathie. À Worcester, bien qu’il eût la réputation d’être peu expansif et de manquer d’entrain, il éprouvait toujours un plaisir secret lorsque quelque