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où la scierie de Frome faisait une tache plus noire dans la nuit. Puis ils sortirent de l’ombre, et la campagne ouverte apparut, solitaire et grise sous les étoiles. Tantôt ils traversaient l’obscurité d’une route encaissée, tantôt la pénombre légère que tissait un bouquet d’arbres défeuillés. De loin en loin, une ferme isolée se dressait parmi les champs, muette et froide comme une pierre tombale. La soirée était si calme qu’ils entendaient la neige gelée craquer sous leurs pas. Le bruit d’une branche morte qui tombait au loin retentissait parfois comme un coup de fusil. Un renard aboya, et Mattie se serra contre Ethan, pressant le pas.

Enfin ils reconnurent le buisson de mélèzes planté près de la barrière de la ferme, et, à l’idée que la promenade allait bientôt finir, Frome recouvra brusquement la parole.

— Alors, Mattie, vous n’avez pas envie de nous quitter ? Bien vrai ?

Il dut baisser la tête pour recueillir son murmure étouffé.

— Si je m’en allais, Ethan, où irais-je ?

Ce mot, d’abord, lui déchira le cœur, mais il ressentit une joie profonde de l’accent avec lequel Mattie l’avait prononcé. Il oublia tout ce qu’il voulait dire d’autre et serra contre lui le bras de la jeune fille. À