Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Venez, supplia Mattie, en l’entraînant par la main…

La sombre violence de la jeune fille fit ployer la volonté d’Ethan. Elle lui apparut comme l’instrument même du destin. Il alla prendre la luge et sortit de l’ombre épaisse des sapins. Sur la route, la faible clarté du ciel lui fit cligner des yeux, comme un oiseau de nuit. Devant eux, la pente était déserte. Tout Starkfield soupait, et personne ne traversait la place devant l’église. Le ciel, gonflé de l’humidité qui précède le dégel abaissait ses lourdes nuées comme avant un orage d’été. Frome chercha à sonder l’obscurité, mais ses yeux lui semblèrent moins perçants, moins assurés que de coutume…

Il s’assit sur la luge et aussitôt Mattie vint se placer devant lui. Ses cheveux effleurèrent la bouche d’Ethan. Il étendit ses jambes et enfonça ses talons dans la neige pour maintenir le traîneau en place. Puis il saisit la jeune fille et l’inclina en arrière, sous ses lèvres…

Mais tout d’un coup il se dressa.

— Levez-vous, Mattie, lui ordonna-t-il.

C’était le ton auquel elle obéissait toujours, mais cette fois elle ne bougea pas.

— Non, non, non ! répéta-t-elle avec véhémence.

— Levez-vous !