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la cuisine, la maison était rentrée dans le calme. Lorsque Ethan monta dans la chambre il entendit, du lit, la respiration régulière de Zeena. Pour cette nuit la discussion était donc terminée… Il redescendit et gagna sa retraite.

Quand sa femme eut quitté la cuisine, Mattie et lui y était demeurés en face l’un de l’autre, sans chercher à se rapprocher. La jeune fille avait achevé de ranger, et lui-même, comme tous les soirs, avait pris sa lanterne pour aller faire au dehors la ronde habituelle. Au retour il avait trouvé la cuisine vide, mais sur la table étaient posées sa pipe et sa blague et, dessous, un bout de papier arraché à un catalogue de grainetier, qui portait ces mots : « Ne vous tourmentez pas, Ethan… »

Pénétrant dans son « cabinet de travail » sombre et glacé, il plaça sa lanterne sur son bureau et, penché vers la lumière, il lut et relut le petit mot de Mattie. C’était la première fois qu’elle lui écrivait et le fait de tenir ce papier entre les mains lui procura une sensation d’intimité nouvelle. En même temps, il songea douloureusement que tel serait désormais leur unique moyen de communiquer, et son angoisse s’en accrut. À la place du sourire de Mattie et du son de sa voix, il n’aurait plus d’elle que des pages inanimées, des paroles écrites…