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lation. Autour d’eux, la cuisine tiède et silencieuse semblait aussi paisible que la nuit précédente. Le chat avait sauté sur le fauteuil de Zeena et le parfum âcre et subtil des géraniums se dégageait à la chaleur du feu. Péniblement Ethan se redressa.

— Je sors un peu pour voir si tout va bien, dit-il.

Et il se dirigea vers l’antichambre pour prendre sa lanterne.

Sur le seuil, il rencontra sa femme qui rentrait. Les lèvres de Zeena tremblaient d’émotion, et son visage jaunâtre était marbré de colère. Le châle avait glissé de ses épaules et pendait sur ses savates : dans la main elle tenait les débris du plat de verre rouge.

— Je voudrais bien savoir qui a cassé mon plat, dit-elle, jetant un regard sévère sur son mari et sur la jeune fille.

Ni l’un ni l’autre ne répondit, et elle continua d’une voix étranglée :

— J’étais allée prendre mes poudres, que j’avais cachées dans le vieil étui à lunettes de mon père, en haut de l’armoire, à l’endroit où je mets les choses auxquelles je tiens de façon à ce qu’on ne puisse pas y toucher…

La voix lui manqua ; deux petites larmes tombèrent de ses paupière sans cils et coulèrent lentement le long de ses joues.