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carbonisé s’écroulait dans le poêle, et le parfum âcre et subtil des géraniums se mélangeait à l’odeur du tabac. La fumée formait un brouillard bleu autour de la lampe et tissait ses toiles d’araignée dans les coins obscurs de la pièce.

Entre Mattie et Ethan toute contrainte s’était dissipée. Ils parlaient maintenant avec aisance et simplicité, s’entretenant de choses quotidiennes, de la neige, de la soirée de la veille à l’église, des amours et des querelles de Starkfield. La banalité même de la causerie donnait à Ethan une illusion de longue intimité qu’aucune explosion sentimentale n’eût pu lui procurer. Il commençait à s’imaginer qu’ils avaient toujours passé leurs soirées ainsi, et que toute leur existence s’écoulerait de la même manière…

— C’est cette nuit que nous devions aller luger, dit-il enfin, du ton tranquille de l’homme qui est sûr de pouvoir réaliser le lendemain ce qu’il ne fait pas le jour même.

Elle se tourna vers lui, souriante :

— Je me figurais que vous l’aviez oublié !

— Pas du tout… mais il fait trop noir. Nous pourrions y aller demain s’il y a de la lune.

La tête renversée en arrière, elle eut un rire joyeux qui fit jouer la lumière sur ses lèvres et ses dents.

— Ça m’amuserait tant, Ethan !