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pirais après les grands bois verts et la fraîche rivière de la vallée paternelle.

Lorsque j’avais rafraîchi mon corps dans le bassin, je demeurais couchée tout le jour à l’ombre grêle des cyprès, rêvant au bain suivant.

Ma mère soupira après la fraîcheur tant qu’elle en mourut. Puis l’Impératrice me fit entrer dans un couvent et j’y fus oubliée. Le couvent se trouvait au flanc d’une colline jaune et nue, où les abeilles remplissaient le thym d’un chaud bourdonnement. Au-dessous s’étendait la mer, enflammée de mille et mille rayons de lumière, et sur nos têtes un ciel aveuglant, qui reflétait l’éclat du soleil, comme un immense bouclier d’acier. Le couvent était construit sur l’emplacement d’un ancien pavillon de plaisance, dont une sainte princesse avait fait don à notre ordre, et une partie de l’habitation était encore debout, avec sa cour et son jardin. Les religieuses avaient bâti tout le pourtour du jardin, mais en conservant les cyprès au milieu, et le long bassin de marbre où se baignaient naguère la princesse et ses dames. Le bassin cependant, comme bien tu penses, ne servait plus à cet usage, car l’ablution du corps est une faiblesse interdite aux vierges cloîtrées, et notre abbesse, qui avait renom d’austérité, se vantait,