Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grande cause. Roberto avait, à New-York, des amis politiques, et il allait quelquefois dans d’autres villes pour assister à des réunions et faire des discours. Son zèle était infatigable, et sans moi il serait parti souvent mourant de faim, plutôt que de ne pas donner à dîner à un compatriote. J’étais de cœur et d’âme avec lui, mais j’avais tout le poids de la paroisse sur les épaules, et peut-être aussi ma longue expérience des hommes m’avait-elle rendu un peu moins crédule que la charité chrétienne ne le veut ; car j’aurais juré sans peine que certains des hommes qui s’attachaient à ses pas n’avaient jamais vu couler le sang autrichien, et auraient volontiers mangé dans la même gamelle que leurs ennemis. Heureusement mon ami ne connut jamais de tels doutes. Il avait autant de foi dans ses compatriotes que dans la cause, et, si quelques-uns de ses protégés dépensaient dans la guinguette voisine l’argent si péniblement gagné qu’il leur avait donné, jamais il ne le soupçonna.

Sa maladie le laissa très affaibli ; peu à peu il perdit ses élèves, et les patriotes se refroidirent à mesure que se vidaient ses poches. Vers la fin je l’emmenai demeurer dans ma pauvre mansarde. Il perdait ses forces journellement, toussait beaucoup et passait la plus grande