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aurait dit même qu’elle les soupçonnait à peine. Un voile de tristesse semblait envelopper toute sa personne et nous la dissimuler, tel le brouillard sur notre lac. J’eus l’impression que son âme m’avait échappé et il me tardait de la reprendre sous ma direction. Mais elle prétexta son mauvais état de santé pour ne pas se confesser, et je dus me résoudre à attendre et à prier pour elle au pied de l’autel. Je remarquai pourtant qu’elle secouait de temps à autre cette langueur. Sa mélancolie se dissipait alors et la vie souriait dans ses yeux ; mais l’instant d’après le nuage se reformait et ses pensées nous fuyaient une fois de plus. Elle ressemblait au lac par un de ces jours de rafales où un nouveau coup de vent se cache derrière chaque promontoire.

Pendant ce temps il y avait un va-et-vient continuel de messagers entre Siviano et la ville. Ils venaient surtout la nuit, lorsque tout dormait, et disparaissaient avant le jour ; mais, malgré leurs précautions, les nouvelles qu’ils apportaient se répandaient par tout le pays. La Lombardie était sur pied. De Pavie à Mantoue, de Corne à Brescia, les rues ruisselaient de sang. À Pavie et à Padoue les Universités se fermèrent.

Le vice-roi, effrayé, se préparait à quitter