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comte m’avait trouvé travaillant sur un de ses vergers dans la vallée, et, apprenant que j’étais maltraité par mon beau-père, — un colporteur ivrogne du Val Mastellone que ma pauvre mère avait rencontré à la foire de Lovere, une ou deux années auparavant, — il m’avait ramené chez lui à Iseo. Je servais la messe dans notre village montagnard de Cerveno, et les enfants m’appelaient le « petit prêtre », parce que, mon travail achevé, je me faufilais dans l’église pour échapper aux coups et aux jurons de mon beau-père. « Je ferai de lui un vrai prêtre », déclara le comte, et cet après-midi-là, perché sur le siège de sa berline de voyage, je fus arraché aux terribles scènes qui avaient attristé mon enfance, pour entrer dans une autre vie, où il me sembla que tout le monde était heureux comme un ange sur un presepio.

Vous rappelez-vous la villa du comte ? Située sur le bord du lac, en face du mont Isola, elle est dominée par le village de Siviano et par la vieille église paroissiale où j’ai dit la messe pendant quinze heureuses années. Le village s’échelonne sur le penchant de la montagne, mais la villa surplombe le lac, souriant à sa propre image comme le baigneur sur les bords de l’eau. Quelle vision du paradis j’eus ce jour-là ! Dans notre église, au fond de la