Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’abaisserai jusqu’à me contenter d’autre chose.

« Commencez-vous à comprendre ? Tout était donc une duperie, direz-vous ? — Non, tout — si du moins il y a eu quelque chose — tout était vrai. Vous êtes jeune, vous n’avez pas encore appris à connaître les mille indices imperceptibles grâce auxquels on se fraye, à tâtons, un chemin à travers le labyrinthe de la nature humaine. Mais n’avez-vous pas été quelquefois frappé que je ne vous aie jamais raconté la moindre petite anecdote sur Rendle ? Le geste, par exemple, avec lequel il faisait tournoyer un coupe-papier entre son pouce et son index pendant qu’il parlait ; sa manie de garder l’envers blanc des lettres ; combien il était gourmand des fraises des bois, — celles des Alpes, — toutes petites et savoureuses ; son goût enfantin pour les acrobates et les jongleurs ; sa manière de m’appeler « Vous, chère Vous », en tête de chaque lettre… Je ne vous ai jamais, n’est-ce pas, dit un mot de tout cela ? Croyez-vous que j’eusse pu me retenir de vous en parler, s’il m’avait aimée ? Ces petites choses eussent été à moi ; elles eussent fait partie de ma vie, de notre vie ; elles m’auraient échappé, malgré moi (il n’y a que les femmes malheureuses pour rester éternellement réservées et dignes). Mais il