Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là, aussitôt le dieu était mis à l’abri dans le cabinet d’Anerton, et le mari montait la garde jusqu’au départ du malencontreux visiteur. Anerton était d’ailleurs bien plus ridicule que sa femme. Mary était trop fine pour perdre la tête, ou du moins pour laisser voir qu’elle l’avait perdue, mais Anerton était incapable de cacher combien il était fier de cette conquête. J’ai vu Mary sur des épingles, quand il appelait Rendle « notre poète ». Il fallait toujours au grand homme une certaine place à table, hors du courant d’air et pas trop loin du feu. Il lui fallait sa boîte de cigares à laquelle personne n’avait le droit de toucher, sa table à écrire dans le salon de Mary, et Anerton ne se lassait pas de raconter les idiosyncrasies de l’idole : Comment Rendle ne coupait jamais les bouts de ses cigares, quoique lui-même, Anerton, il lui eût donné un coupe-cigares en or, incrusté d’un saphir étoile, comment la table du maître était toujours encombrée, comment la domestique avait l’ordre de toujours porter à sa maîtresse le panier à papier, avant de le vider, de peur qu’une strophe immortelle ne tombât dans les balayures.

— Les Anerton ne se sont donc jamais séparés ?

— Se séparer ? Dieu garde ! Anerton n’aurait