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Oui, si la Liberté, de son trépied de lave
Tombait morte au Forum sous un sabre sanglant,
De ses os exhumés par le bras d’un esclave,
Nous ferions du cirage ou des jouets d’enfant.

Au souffle desséchant d’un sordide égoïsme,
Le laurier se flétrit sur les plus nobles fronts,
Et livre sa dépouille aux flots d’un vandalisme
Dont on bénit le cours s’il fait hausser les fonds.

De la balance d’or dont se servaient nos Pères,
Nous n’avons conservé que le fléau pointu,
Pour en percer le cœur ou crever les paupières
Au Génie, à la Gloire, et même à la Vertu.

Assez de ces tableaux dont la vue est blessée !
D’un siècle corrompu ne creusons pas les mœurs ;
Chaque sillon qui s’ouvre au soc de la pensée,
Met à nu quelque vice à soulever les cœurs.

Aussi gardons-nous tous d’approfondir la vie ;
Notre sonde est trop courte et son lit trop fangeux.
Rasons d’un vol léger sa surface endormie,
Sans regarder trop haut ou détourner les yeux ;

Et, loin de remonter jusqu’à la source obscure
D’où part en gémissant le ruisseau de nos jours,
Ou de précipiter vers sa morne embouchure
De ses flots élargis l’irrésistible cours,