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Même avant de toucher au terme du voyage,
Que la foudre l’atteigne et brise ses agrès,
Et jette mon cadavre aux sables du rivage,
Sous la griffe de fer du loup de nos forêts ;

Qu’importe ! de nos jours, nul na droit de prétendre
Aux immortels honneurs d’un glorieux tombeau ;
Nul ne sait où les vents disperseront sa cendre,
Qu’il ait brandi la torche ou porté le flambeau.

L’astre le plus serein ne parcourt sa carrière
Qu’au bruit des ouragans soulevés par nos cris,
Et quand il disparaît de l’horizon vulgaire,
Un brouillard outrageant le voile de ses plis.

Oh ! nous sommes vraiment de lâches créatures !
Tout front porte le sceau de l’immoralité,
Tout cœur est plein de fange et ridé de fêlures
Par où suintent la haine et la cupidité.

Au bout de trois mille ans, surgit-il un Alcide
Qui vienne relever les peuples abattus,
Un Thersite l’arrête, et, de son bras stupide,
Lui jette autour des flancs la robe de Nessus.

Inclinés sous le poids d un fatal sortilège,
Nous ne sacrifions qu à des Dieux infernaux ;
Nous ne reculons plus devant un sacrilège
Dès qu’au creuset de l’art il se fond en lingots.