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Tu dédaignas, ô Reine, un piédestal vulgaire ;
Le Peuple, devançant l’œuvre du statuaire,
T’en fit un, en trois jours, des os de ses martyrs.
S’il en est dont l’orgueil occupe plus d’espace,
Pour nous, bronze ou granit, aucun ne le surpasse
Par la grandeur des souvenirs.

Quand, seul, perdu dans l’ombre, à l’heure du silence,
Réveillant ton gardien du bruit de ma présence,
Mon pas inattendu se heurte à tes tombeaux,
Je crois entendre encor gronder par intervalle
L’écho sourd du canon dont la voix triomphale
Nous annonça des jours nouveaux.

Je m’arrête, j’écoute, incliné vers la terre,
Ce bruit qui tant de fois a fait pâlir ma mère ;
J’évoque avec transport un passé loin de nous,
Et, secouant le poids d’un présent qui m’accable,
Je dis : heureux celui qui dort là sous le sable,
Mes frères, à côté de vous !

Qu’ils étaient beaux ces jours où la Belgique armée,
Par un prince étranger trop longtemps opprimée,
Brisa son sceptre d’or au seuil de son palais,
Et, debout sur son trône abattu par la hache,
Le diadème au front, le front pur et sans tache,
Se proclama libre à jamais !