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Regarde ces haillons : ce sont toujours les mêmes ;
Regarde ces traits durs, toujours hâves et blêmes,
Cet œil fou de douleur, ces sordides cheveux,
Ces lèvres où la faim imprima ses souillures,
Ces bras nus que le fisc couvrit de ses morsures,
Ce sein livide et creux.

Qu’en dis-tu, Grand, toi qui te flattes
D’être mon père nourricier,
Et de remplir mes mains ingrates,
Des fruits de ton plus beau figuier,
Ces mains qui jonchèrent les salles,
Théâtre de tes voluptés,
Des diamants et des opales
Pris au front des Rois rejetés !

Ne sens-tu pas, ô Grand, au fond de ta poitrine,
Ta conscience en feu se tordre sous l’arrêt
Que trace, chaque nuit, une main clandestine
Au mur de ton chevet ?
Grand ! cet arrêt d’un Dieu surgi pour nous défendre,
Qui ne te permet plus de vivre de nos pleurs,
Qui de ton lit d oisif te condamne à descendre
Parmi les travailleurs,

Pour expier l’abus des droits de la Conquête,
Entrer dans l’ordre saint de la Capacité
Et détourner les maux qui grondent sur la tête
De ta postérité ;