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Oh ! si je prévoyais qu’une aussi noble tâche
Dût illustrer mon nom promis à l’avenir,
Détournant mes regards d’un monde vil et lâche,
Le front vers l’orient, j’attendrais sans gémir
Qu’il s’ouvrît, le jardin aux mystiques allées,
Serpentant à travers une riche moisson,
Et s’arrêtant au seuil des portes étoilées
Du grand temple de Saint-Simon ;

Temple de bronze et d’or, où des peuples sans nombre
Viendront de leur amour LUI porter les tributs,
Et derrière lequel s’élèvera dans l’ombre
Ce Présent si vanté, si cher à ses élus,
Comme la tour romaine ou l’église gothique
Que le temps foudroya dans son vol irrité,
Mais dont s’élève encore à l’horizon antique
Le cadavre décapité.

Déjà dans cet Éden hardiment élancée,
Loin du sol indigent arrosé de mes pleurs,
Mon âme quelquefois revit par la pensée,
Et cette illusion adoucit mes malheurs,
Et, dans ces courts instants où le ciel se découvre,
J’oublie et mon vieux chaume et mon destin de fer,
Et ce monde hideux dont le sein ne s’entrouvre
Que pour m’envelopper de ses vapeurs d’enfer.