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Que moi, son frère enfin, je dorme sur la pierre,
À l’angle d’une étable ouverte à tous les vents,
Lui, sur un doux chevet, à l’ombre hospitalière
D’un palais respecté du temps ;

Moi, plus puissant que lui, plus puissant que sa race,
Par le bras, par la tête, et surtout par le cœur ;
Moi, qui pourrais un jour, si j’étais à sa place
Relever sur ce sol le phare du Sauveur ;
Moi qui, sur mon sein nu pressant les flancs du monde,
Pourrais les féconder d’un seul de mes soupirs,
Mais dont la force, hélas ! plus stérile que l’onde,
S’évapore et se perd en impuissants désirs ?

Frères ! c’est que de la Conquête
Perpétuant l’iniquité,
Nos lois ont mis à prix la tête
Du travailleur déshérité ;
Frappé même de déchéance
Son âme et son intelligence
Dont un Dieu racheta les droits,
Pour confier dans leur sagesse
Au sceptre d’or de la Richesse
Le salut du Peuple et des Rois.

Anathème à ces lois d’un temps de barbarie
Qui livrent au Hasard le sort de la cité ;
Pour garder leur empire étouffent le génie
Sous le poids de la honte et de la pauvreté ;