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au passage de l’artillerie ainsi que de ses munitions ; et le général Bethencourt a réussi à se faire suivre de deux pièces de trois, de quatre pièces de quatre et de deux obusiers ; et j’ai réussi, moi, à me faire suivre de deux pièces de huit.

Vous voyez, Citoyen Général, que tous ceux qui avaient été chargés de reconnaître jusqu’à ce moment, le Simplon, se sont laissé probablement imposer par une double espèce de prestige. Rien de si beau par endroits et rien de si affreux en d’autres que ce que cette montagne présente ; c’est précisément d’elle qu’on doit dire avec l’auteur du Voyage d’Anacharsis : « Le pays n’est qu’une suite de tableaux où la nature a déployé la grandeur et la fécondité de ses idées, et qu’elle a rapprochés négligemment sans égard à la différence des genres. La main puissante qui fonda sur des bases éternelles tant de roches énormes et arides, se fit un jeu de dessiner à leurs pieds, ou dans leurs intervalles, des prairies charmantes, asyle de la fraîcheur et du repos ; partout des sites pittoresques, des contrastes imprévus, des effets admirables. »

« Combien de fois, parvenus au sommet d’un mont sourcilleux, nous avons vu la foudre serpenter au-dessous de nous ! Combien de fois encore, arrêtés dans la région des nues, nous avons vu tout-à-coup la lumière du jour se changer en une clarté ténébreuse, l’air s’épaissir, s’agiter avec violence et nous offrir un spectacle aussi beau qu’effrayant ! Ces torrens de vapeur qui passaient rapidement sous nos yeux et se précipitaient dans des vallées profondes ; ces torrens d’eau qui roulaient en mugissant au fond des abîmes ; ces grandes masses de montagnes qui, à travers le fluide épais dont nous étions environnés, paraissaient tendues de noir ; les cris funèbres des oiseaux ; le