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les lieux où elle domine avec le plus d’empire, avait pris soin d’aplanir cette année deux mois plutôt que d’ordinaire un obstacle qui ajoute beaucoup aux difficultés de ces routes si étroites et si scabreuses. La neige était disparue de dessus les chemins : mais sa chute en avalanges avait rompu les mêmes chemins en plusieurs endroits, et je me hâte de vous faire voir les Français conduits par un de ces éboulemens à l’une des situations les plus extraordinaires qu’on puisse concevoir. Le général Bethencourt arrive avec environ mille hommes, tant de combat que de suite, à l’un de ces points où le passage n’est obtenu que par des pièces de bois dont une extrémité est posée dans le rocher creusé, l’autre est supportée par une poutre en travers. Cette espèce de pont avait été emporté par un éclat de roche, parti de la plus grande élévation et qui avait tout entraîné dans un torrent, roulant au-dessous des eaux avec le plus horrible fracas. Le général Bethencourt avait vos ordres ; il déclara que nul obstacle ne devait arrêter ; et aussitôt il fut résolu d’employer le moyen suivant : il ne restait de tout ce que l’art avait ici tenté pour vaincre la nature, que la rangée de trous dans lesquels avait été engagée l’une des extrémités de chaque pièce de bois. Un des volontaires les plus hardis s’offre à mettre les deux pieds dans les deux premiers trous, puis à tendre une corde à hauteur d’homme en marchant de cavité en cavité ; et lorsqu’il est parvenu à fixer la corde jusqu’à l’autre extrémité de l’intervalle, entièrement vide, au-dessus de l’abîme, c’est le général Bethencourt qui donne l’exemple de passer ainsi suspendu par les bras à une corde, même très-peu forte ; et c’est ainsi que près de mille Français ont franchi un intervalle d’environ dix toises, chargés de leurs armes, chargés de leurs sacs. On les avait vus se servir de leurs bayonnettes, employer des crochets pour pouvoir gravir