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l’île du docteur moreau

gluante. Plus loin, à l’ombre de quelques fougères géantes, je tombai sur un objet désagréable : le cadavre encore chaud d’un lapin, la tête arrachée et couvert de mouches luisantes. Je m’arrêtai stupéfait à la vue du sang répandu. L’île, ainsi, était déjà débarrassée d’au moins un de ses visiteurs.

Il n’y avait à l’entour aucune autre trace de violence. Il semblait que la bête eût été soudain saisie et tuée et, tandis que je considérais le petit cadavre, je me demandais comment la chose avait pu se faire. La vague crainte dont je n’avais pu me défendre, depuis que j’avais vu l’être à la face si peu humaine boire au ruisseau, se précisa peu à peu. Je commençai à me rendre compte de la témérité de mon expédition parmi ces gens inconnus. Mon imagination transforma les fourrés qui m’entouraient. Chaque ombre devint quelque chose de plus qu’une ombre, fut une embûche, chaque bruissement devint une menace. Je me figurais être épié par des choses invisibles.

Je résolus de retourner à l’enclos. Faisant soudain demi-tour, je pris ma course, une course forcenée à travers les buissons, anxieux de me retrouver dans un espace libre.

Je ralentis peu à peu mon allure et m’arrêtai