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l’île du docteur moreau

ses eaux scintillantes. De l’autre côté, j’apercevais, à travers une brume bleuâtre, un enchevêtrement d’arbres et de lianes au-dessus duquel surplombait le bleu lumineux du ciel. Ici et là des éclaboussures de blanc et d’incarnat indiquaient des touffes fleuries d’épiphytes rampants. Je laissai mes yeux errer un instant sur ce paysage, puis mon esprit revint sur les étranges singularités de l’homme de Montgomery. Mais il faisait trop chaud pour qu’il fût possible de réfléchir longuement, et bientôt je tombai dans une sorte de torpeur, quelque chose entre l’assoupissement et la veille.

Je fus soudain réveillé, je ne sais au bout de combien de temps, par un bruissement dans la verdure de l’autre côté du cours d’eau. Pendant un instant, je ne pus voir autre chose que les sommets agités des fougères et des roseaux. Puis, tout à coup, sur le bord du ruisseau parut quelque chose — tout d’abord, je ne pus distinguer ce que c’était. Une tête se pencha vers l’eau et commença à boire. Alors je vis que c’était un homme qui marchait à quatre pattes comme une bête.

Il était revêtu d’étoffes bleuâtres. Sa peau était d’une nuance cuivrée et sa chevelure noire. Il semblait qu’une laideur grotesque fût la caractéristique