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l’île du docteur moreau

Tandis que je le suivais des yeux, il me revint en tête, par quelque procédé mental inconscient, une phrase qui fit retourner ma mémoire de dix ans en arrière. Elle flotta imprécise en mon esprit pendant un moment, puis je revis un titre en lettres rouges : le docteur moreau, sur la couverture chamois d’une brochure révélant des expériences qui vous donnaient, à les lire, la chair de poule. Ensuite mes souvenirs se précisèrent, et cette brochure depuis longtemps oubliée me revint en mémoire, avec une surprenante netteté. J’étais encore bien jeune à cette époque, et Moreau devait avoir au moins la cinquantaine. C’était un physiologiste fameux et de première force, bien connu dans les cercles scientifiques pour son extraordinaire imagination et la brutale franchise avec laquelle il exposait ses opinions. Était-ce le même Moreau que je venais de voir ? Il avait fait connaître, sur la transfusion du sang, certains faits des plus étonnants et, de plus, il s’était acquis une grande réputation par des travaux sur les fermentations morbides. Soudain, cette belle carrière prit fin ; il dut quitter l’Angleterre. Un journaliste s’était fait admettre à son laboratoire en qualité d’aide, avec l’intention bien arrêtée de surprendre et de publier des secrets sen-