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l’île du docteur moreau

d’une corde — car ils n’avaient pas d’échelle d’arrière — et coupèrent la remorque.

Je m’éloignai de la goëlette, en dérivant lentement. Avec une sorte de stupeur, je vis tout l’équipage se mettre à la manœuvre et tranquillement la goëlette vira de bord pour prendre le vent. Les voiles palpitèrent et s’enflèrent sous la poussée de la brise. Je regardais fixement son flanc fatigué par les flots donner à la bande vers moi ; puis elle s’éloigna rapidement.

Je ne détournai pas la tête pour la suivre des yeux, croyant à peine ce qui venait d’arriver. Je m’affalai au fond du canot, abasourdi et contemplant confusément la mer calme et vide.

Puis, je me rendis compte que je me trouvais de nouveau dans ce minuscule enfer, prêt à couler bas. Jetant un regard par-dessus le plat-bord, j’aperçus la goëlette qui reculait dans la distance et par-dessus la lisse d’arrière la tête du capitaine qui me criait des railleries. Me tournant vers l’île, je vis la chaloupe diminuant aussi à mesure qu’elle approchait du rivage.

Soudain, la cruauté de cet abandon m’apparut clairement. Je n’avais aucun moyen d’atteindre le bord à moins que le courant ne m’y entraînât.