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XIV

l’homme seul


Dans la soirée, je partis, poussé par une petite brise du sud-ouest, et m’avançai lentement et constamment vers la pleine mer, tandis que l’île diminuait de plus en plus dans la distance et que la mince spirale des fumées de solfatares n’était plus, contre le couchant ardent, qu’une ligne de plus en plus ténue. L’océan s’élevait autour de moi, cachant à mes yeux cette tache basse et sombre. La traînée de gloire du soleil semblait crouler du ciel en cascade rutilante, puis la clarté du jour s’éloigna comme si l’on eût laissé tomber quelque lumineux rideau, et enfin mes yeux explorèrent ce gouffre d’immensité bleue qu’emplit et dissimule le soleil, et j’aperçus les flottantes multitudes des étoiles. Sur la mer et jusqu’aux profondeurs du ciel régnait le silence, et j’étais seul avec la nuit et ce silence.