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l’île du docteur moreau

Les hommes qui l’occupaient étaient morts ; ils étaient morts depuis si longtemps qu’ils tombèrent par morceaux lorsque je voulus les en sortir. L’un d’eux avait une épaisse chevelure rousse comme le capitaine de la Chance-Rouge et, au fond du bateau, se trouvait un béret blanc tout sale. Tandis que j’étais ainsi occupé auprès de l’embarcation, trois des monstres se glissèrent furtivement hors des buissons et s’avancèrent vers moi en reniflant. Je fus pris à leur vue d’un de mes spasmes de dégoût. Je poussai le petit bateau de toutes mes forces pour le remettre à flot et sautai dedans. Deux des brutes étaient des loups qui venaient, les narines frémissantes et les yeux brillants ; la troisième était cette indescriptible horreur faite d’ours et de taureau.

Quand je les vis s’approcher de ces misérables restes, que je les entendis grogner en se menaçant et que j’aperçus le reflet de leurs dents blanches, une terreur frénétique succéda à ma répulsion. Je leur tournai le dos, amenai la voile et me mis à pagayer vers la pleine mer, sans oser me retourner.

Cette nuit-là, je me tins entre les récifs et l’île ; au matin, j’allai jusqu’au cours d’eau pour remplir le petit baril que je trouvai dans la barque. Alors, avec toute la patience dont je fus capable,