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l’île du docteur moreau

j’eus de cet échec fut si grand que, pendant quelques jours, je ne sus faire autre chose qu’errer sur le rivage en contemplant les flots et songeant à la mort.

Mais je ne voulais certes pas mourir, et un incident se produisit qui me démontra, sans que je pusse m’y méprendre, quelle folie c’était de laisser ainsi passer les jours, car chaque matin nouveau était gros des dangers croissants du voisinage des monstres.

J’étais étendu à l’ombre d’un pan de mur encore debout, le regard errant sur la mer, quand je tressaillis au contact de quelque chose de froid à mon talon, et, me retournant, j’aperçus l’aï qui clignait des yeux devant moi. Il avait depuis longtemps perdu l’usage de la parole et toute activité d’allures ; sa longue fourrure devenait chaque jour plus épaisse, et ses griffes solides plus tordues. Quand il vit qu’il avait attiré mon attention, il fit entendre une sorte de grognement, s’éloigna de quelques pas vers les buissons et se détourna vers moi.

D’abord je ne compris pas, mais bientôt il me vint à l’esprit qu’il désirait sans doute me voir le suivre et c’est ce que je fis enfin, lentement — car