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l’île du docteur moreau

Je dus, sans doute, subir aussi d’étranges changements. Mes habits pendaient sur moi en loques jaunâtres sous lesquelles apparaissait la peau tannée. Mes cheveux, qui avaient crû fort longs, étaient tout emmêlés, et l’on me dit souvent que, maintenant encore, mes yeux ont un étrange éclat et une vivacité surprenante.

D’abord, je passai les heures de jour sur la grève du sud explorant l’horizon, espérant et priant pour qu’un navire parût. Je comptais sur le retour annuel de la Chance-Rouge, mais elle ne revint pas. Cinq fois, j’aperçus des voiles et trois fois une traînée de fumée, mais jamais aucune embarcation n’aborda l’île. J’avais toujours un grand feu prêt que j’allumais ; seulement, sans aucun doute, la réputation volcanique de l’endroit suppléait à toute explication.

Ce ne fut guère que vers septembre ou octobre que je commençai à penser sérieusement à construire un radeau. À cette époque, mon bras se trouva entièrement guéri, et de nouveau j’avais mes deux mains à mon service. Tout d’abord, je fus effrayé de mon impuissance. Je ne m’étais, jamais de ma vie, livré à aucun travail de charpente, ni d’aucun genre manuel d’ailleurs, et je passais mon temps,