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l’île du docteur moreau

Tout ceci, comme je l’ai dit, se rapporte aux premières semaines que je passai seul parmi les brutes. Pendant cette période, ils respectèrent l’usage établi par la Loi et conservèrent dans leur conduite un décorum extérieur. Une fois, je trouvai un autre lapin déchiqueté, par l’Hyène-Porc certainement — mais ce fut tout. Vers le mois de mai, seulement, je commençai à percevoir d’une façon distincte une différence croissante dans leurs discours et leurs allures, une rudesse plus marquée d’articulation, et une tendance de plus en plus accentuée à perdre l’habitude du langage. Le bavardage de mon Homme-Singe multiplia de volume, mais devint de moins en moins compréhensible, de plus en plus simiesque. Certains autres semblaient laisser complètement s’échapper leur faculté d’expression, bien qu’ils fussent encore capables, à cette époque, de comprendre ce que je leur disais. Imaginez-vous un langage que vous avez connu exact et défini, qui s’amollit et se désagrège, perd forme et signification et redevient de simples fragments de son. D’ailleurs, maintenant, ils ne marchaient debout qu’avec une difficulté croissante, et malgré la honte qu’ils en éprouvaient évidemment, de temps en temps je surprenais l’un ou l’autre d’entre eux cou-