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l’île du docteur moreau

— Fâché, articula-t-il avec effort.

Il semblait essayer de penser.

— C’est le bout, murmura-t-il, la fin de cet univers idiot. Quel gâchis…

J’écoutais. Sa tête s’inclina inerte. Je pensai que quelque liquide pouvait le ranimer. Mais je n’avais là ni boisson, ni vase pour le faire boire. Tout à coup, il me parut plus lourd, et mon cœur se serra.

Je me penchai sur son visage et posai ma main sur sa poitrine à travers une déchirure de sa blouse. Il était mort, et au moment où il expirait, une ligne de feu, blanche et ardente, le limbe du soleil, monta, à l’orient, par delà le promontoire, éclaboussant le ciel de ses rayons, et changeant la mer sombre en un tumulte bouillonnant de lumière éblouissante qui se posa, comme une gloire, sur la face contractée du mort.

Doucement, je laissai sa tête retomber sur le rude oreiller que je lui avais fait, et je me relevai. Devant moi, j’avais la scintillante désolation de la mer, l’effroyable solitude où j’avais tant souffert déjà ; en arrière, l’île assoupie sous l’aurore, et ses bêtes invisibles. L’enclos avec ses provisions et ses munitions brûlait dans un vacarme confus, avec de soudaines rafales de flammes, avec de violentes