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l’île du docteur moreau

plein et, très brillante, semblait voguer dans un ciel d’azur vide. L’ombre du mur, large d’un mètre à peine et absolument noire, se projetait à mes pieds. La mer, vers l’est, était d’un gris uniforme, sombre et mystérieuse, et, entre les flots et l’ombre, les sables gris, provenant de cristallisations volcaniques, étincelaient et brillaient comme une plage de diamants. Derrière moi, la lampe à pétrole brûlait chaude et rougeâtre.

Alors je rentrai et fermai la porte à clef. J’allai dans la cour où le cadavre de Moreau reposait auprès de ses dernières victimes — les chiens, le lama et quelques autres misérables bêtes ; — sa face massive, calme même après cette mort terrible, ses yeux durs grands ouverts semblaient contempler dans le ciel la lune morte et blême. Je m’assis sur le rebord du puits et, mes regards fixant ce sinistre amas de lumière argentée et d’ombre lugubre, je cherchai quelque moyen de fuir.

Au jour, je rassemblerais quelques provisions dans la chaloupe, et, après avoir mis le feu au bûcher que j’avais devant moi, je m’aventurerais une fois de plus dans la désolation de l’océan. Je me rendais compte que pour Montgomery il n’y avait rien à faire, car il était, à vrai dire, presque de la