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l’île du docteur moreau

Vous avez de la chance d’avoir été recueilli par un navire qui avait un médecin à bord.

Il s’exprimait avec un défaut d’articulation, une sorte de zézayement.

— Quel est ce navire ? proférai-je lentement et d’une voix que mon long silence avait rendue rauque.

— C’est un petit caboteur d’Arica et de Callao. Il s’appelle la Chance Rouge. Je n’ai pas demandé de quel pays il vient : sans doute du pays des fous. Je ne suis moi-même qu’un passager, embarqué à Arica.

Le bruit recommença au-dessus de ma tête, mélange de grognements hargneux et d’intonations humaines. Puis une voix intima à un « triple idiot » l’ordre de se taire.

— Vous étiez presque mort, reprit mon interlocuteur ; vous l’avez échappé belle. Mais maintenant je vous ai remis un peu de sang dans les veines. Sentez-vous une douleur aux bras ? Ce sont des injections. Vous êtes resté sans connaissance pendant près de trente heures.

Je réfléchissais lentement. Tout à coup, je fus tiré de ma rêverie par les aboiements d’une meute de chiens.