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l’île du docteur moreau

bait d’aller nous assurer de son sort. Montgomery souleva quelques vagues objections et finit par y consentir. Nous prîmes quelque nourriture et nous partîmes avec M’ling.

C’est sans doute à cause de la tension de mon esprit à ce moment que, même encore maintenant, ce départ, dans l’ardente tranquillité de l’après-midi tropicale, est demeuré pour moi une impression singulièrement vivace. M’ling marchait en tête, les épaules courbées, son étrange tête noire se mouvant avec de rapides tressaillements, tandis qu’il fouillait du regard chacun des côtés de notre chemin. Il était sans armes, car il avait laissé tomber sa hachette dans sa lutte avec l’Homme-Porc. Quand il se battait, ses dents étaient ses véritables armes. Montgomery suivait, l’allure trébuchante, les mains dans ses poches et la tête basse. Il était hébété et de méchante humeur avec moi, à cause du cognac. J’avais le bras gauche en écharpe, — heureux pour moi que ce fût le bras gauche, — et dans la main droite je serrais mon revolver.

Nous suivîmes un sentier étroit à travers la sauvage luxuriance de l’île, nous dirigeant vers le nord-ouest. Soudain M’ling s’arrêta, immobile et aux aguets. Montgomery se heurta contre lui, et s’ar-