Page:Wells Ile du Docteur Moreau 1896.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
l’île du docteur moreau

était très étroite et plutôt malpropre. Un homme assez jeune, les cheveux blonds, la moustache jaune hérissée, la lèvre inférieure tombante était assis auprès de moi et tenait mon poignet. Un instant, nous nous regardâmes sans parler. Ses yeux étaient gris, humides, et sans expression.

Alors, juste au-dessus de ma tête, j’entendis un bruit comme celui d’une couchette de fer qu’on remue, et le grognement sourd et irrité de quelque grand animal. En même temps, l’homme parla. Il répéta sa question.

— Comment vous sentez-vous maintenant ?

Je crois que je répondis me sentir bien. Je ne pouvais comprendre comment j’étais venu là, et l’homme dut lire dans mes yeux la question que je ne parvenais pas à articuler.

— On vous a trouvé dans une barque — mourant de faim. Le bateau s’appelait la Dame Altière et il y avait des taches bizarres sur le plat bord.

À ce moment, mes regards se portèrent sur mes mains : elles étaient si amaigries qu’elles ressemblaient à des sacs de peau sale pleins d’os ; à cette vue, tous mes souvenirs me revinrent.

— Prenez un peu de ceci, dit-il, et il m’administra une dose d’une espèce de drogue rouge et glacée.