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l’île du docteur moreau

velle journée de torture, accueillir son persécuteur avec un grognement presque tout à fait semblable à celui d’une virago en colère.

Alors quelque chose arriva. J’entendis derrière moi un cri aigu, une chute, et, me tournant, je vis arriver, droit sur moi, une face effrayante, ni humaine ni animale, mais infernale, sombre, couturée de cicatrices entrecroisées d’où suintaient encore des gouttes rouges, avec des yeux sans paupières et en flammes. Je levai le bras pour parer le coup qui m’envoya rouler de tout mon long avec un avant-bras cassé, et le monstre, enveloppé de lin et de bandages tachés de sang qui flottaient autour de lui, bondit par-dessus moi et s’enfuit. Roulant plusieurs fois sur moi-même, je dégringolai au bas de la grève, essayai de me relever et m’affaissai sur mon bras blessé. Alors Moreau parut, sa figure blême et massive d’apparence plus terrible encore avec le sang qui ruisselait de son front. Le revolver à la main, sans faire attention à moi, il s’élança immédiatement à la poursuite du puma.

Avec mon autre bras, je parvins à me relever. La bête emmaillotée courait à grands bonds dégingandés au long du rivage et Moreau la suivait. Elle tourna la tête et l’aperçut ; alors, et avec un